jeudi 27 décembre 2007

Le droit d’auteur des fonctionnaires

L’article L 111-1 du code de propriété intellectuelle posait le principe de l’indifférence du contrat de travail sur la titularité des droits d’auteur pour les salariés, mais en 1972, un avis du Conseil d’Etat décida que si les fonctionnaires n’étaient pas, par principe, exclus des dispositions de l’article L 111-1, l’administration demeurait néanmoins investi des droits patrimoniaux des fonctionnaires sur les créations faisant l’objet même du service (CE avis du 21 novembre 1972 - Gazette du Palais - Doctrine page 50).

Depuis la loi du 1er août 2006, l’article L 111-1 nouveau précise que les fonctionnaires demeurent par principe, titulaires de leurs droits :

"L’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial...

L’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service par l’auteur d’une oeuvre de l’esprit n’emporte pas dérogation à la jouissance du droit reconnu par le premier alinéa, sous réserve des exceptions prévues par le présent code. Sous les mêmes réserves, il n’est pas non plus dérogé à la jouissance de ce même droit lorsque l’auteur de l’oeuvre de l’esprit est un agent de l’Etat, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public à caractère administratif, dune autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale ou de la Banque de France."

Toutefois, ce principe est encadré par des exceptions

Ainsi l’article L 131-3-1 du code propriété intellectuelle considère-t-il que si les droits patrimoniaux naissent bien sur la tête des fonctionnaires, ils sont cédés de plein droit à l’Etat pour ce qui est strictement nécessaire à l’accomplissement d’une mission de service public :

"Dans la mesure strictement nécessaire à l’accomplissement d’une mission de service public, le droit d’exploitation d’une oeuvre créée par un agent de l’Etat dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions reçues est, dès la création, cédé de plein droit à l’Etat." (alinéa 1).

Les fonctionnaires peuvent ainsi poursuivre l’exploitation commerciale de leur oeuvre, sous réserve d’un droit de préférence au bénéfice de l’Etat.

"Pour toute exploitation commerciale de l’oeuvre mentionnée au premier alinéa, l’Etat ne dispose envers l’agent auteur que d’un droit de préférence. Cette disposition n’est pas applicable dans le cas d’activités de recherche scientifique d’un établissement public à caractère scientifique et technologique ou d’un établissement public à caractère scientifique et technologique ou d’un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, lorsque ces activités font l’objet d’un contrat avec une personne morale de droit privé". (alinéa 2).

En outre, l’exercice du droit moral ne doit pas entraver la mission du service public.

Ainsi l’article L 121-7-1 du code de propriété intellectuelle, prévoit-il que "le droit de divulgation reconnu à l’agent mentionné au troisième alinéa de l’article L 111-1, qui a créé une oeuvre de l’esprit dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions reçues, s’exerce dans le respect des règles auxquelles il est soumis en sa qualité d’agent et de celles qui régissent l’organisation, le fonctionnement et l’activité de la personne publique qui l’emploie."

Les universitaires exclus de ce système

En effet, dans le but de préserver et d’encourager la liberté scientifique et de recherche, les universitaires sont exclus de ce système de même que les fonctionnaires qui travaillent "sans un contrôle préalable de leur autorité scientifique" (articles L 131-3-1 alinéa 2 et L 111-1 alinéa 3).

En conséquence, pour ces fonctionnaires, il devra y avoir une stricte application du droit commun. Pour autant, on le voit avec la jurisprudence, cette solution ne va pas de soi.

Ainsi, dans une décision en date du 15 mars 2007, la cour administrative d’appel de Versailles a jugé de manière totalement inverse, sur le cas d’un professeur ayant fait réaliser de son propre chef, une version polycopiée et améliorée de son cours oral, que l’université était titulaire de ses droits d’auteur sur ledit polycopié.

Le professeur ayant assigné ledit service public s’est trouvé débouté tant par le tribunal administratif que la cour qui, écartant l’application de la loi du 1er août 2006, comme étant postérieure aux faits, a considéré que le cours polycopié reposant sur le cours oral dispensé par l’universitaire, dans le cadre de son activité d’enseignement, devait être regardé comme faisant partie, par nature, du cours que celui-ci avait vocation d’assurer, les droits sur cet ouvrage étant alors transféré à l’université sans qu’un contrat spécifique soit nécessaire (CAA de Versailles du 15 mars 2007 - M. A. c/ Université Paris XI).

Le professeur en question se trouvait donc privé du bénéfice qu’il pouvait être en droit de retirer de l’exploitation d’une oeuvre qu’il avait pris l’initiative de créer en parallèle de son cours magistral.

De telles solutions contraire à la loi du 1er août 2006, ne devrait pas perdurer, d’autant que la réforme de l’université tendue vers l’autonomie, qui sera votée cet été, achèvera de rendre leur liberté d’auteurs à ces agents particuliers de l’Etat.

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